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Lionel Loetscher


LANDSCAPE RESEARCH LAB



Installation Paysage

Paysage (Landscape within lanscape), Lionel Loetscher, installation, 3 x 18 x 0,5 m



Ma Grand-Mère, la Physique Quantique et le Paysage


Ne vous êtes-vous jamais demandé si un paysage était toujours un paysage même si vous ne le regardiez pas ?

Je me suis aventuré un jour à poser cette question à ma grand-mère, une femme d’une grande sagesse malgré son manque d’instruction : « Dis-moi grand-mère, penses-tu qu’un paysage existe même si on ne le regarde pas ? ». Sa réponse ne se fit pas attendre : « D’où c’est que tu sors cette question-là ? Comment veux-tu savoir puisque tu ne le vois pas ! Va donc me chercher une salade dans le jardin, prends aussi de la ciboulette, j’ vais t’en mettre du paysage, moi, dans ton assiette».

Il est vrai que ma grand-mère était d’un grand pragmatisme. Elle avait commencé à travailler dès l’âge de 13 ans dans une filature, d’où cette infinie sagesse face aux questions sur l’existence.

Cette réflexion est restée longtemps en suspens dans ma tête et un jour j’ai décidé d’aller voir par moi-même. J’ai choisi un paysage et je suis allé le regarder.

Jusque-là tout allait bien. Il était effectivement devant moi. Je lui ai tourné le dos. Et là, c’est un autre paysage que j’avais devant moi, le premier avait disparu. Ma grand-mère était un génie !

Il m’était impossible de vérifier la présence du paysage lorsque je ne le regardais pas.

Alors, je suis allé voir ce paysage de plus près. Et c’est à cet instant que cela s’est compliqué : plus je me rapprochais et moins je le voyais ; plus je m’en approchais et plus il disparaissait. En toute logique, je devais me retrouver dans le paysage ! Comment en me rapprochant de lui et surtout sans jamais le quitter des yeux pouvait-il disparaître ? Il était préférable pour moi d’éviter de bouger afin de ne pas continuer à aggraver ma situation. En plus de ne pas avoir de réponse à ma question, j’en avais une supplémentaire. Immobile au milieu de ce qui semblait ne plus être un paysage et entouré par d’autres, je me trouvais seul face à un questionnement qui me confrontait brutalement à une notion de paysage dont la réalité semblait s’étioler, s’effriter.

Grand-mère ?

Pas d’espoir de ce côté-là. L’alcool et la cigarette l’avaient emporté depuis longtemps. La situation à laquelle je venais d’être confronté me rappelait des expériences en mécanique quantique : celle du chat de Schrödinger et celle des fentes de Young. Ce qui est intéressant avec la physique quantique c’est qu’elle vous laisse toujours un arrière-goût de remise en cause de la réalité, si elle ne vous donne pas le vertige. Certes, cela peut sembler farfelu, je vous l’accorde. Néanmoins, cette suite d’événements fut le déclencheur d’un nouveau projet d’exploration de la notion de paysage. Mais pour le moment laissez-moi vous remémorer ces deux expériences.

Le chat de Schrödinger figure dans l’introduction de la plupart des manuels de physique quantique. Il ne s’agit pas d’une véritable expérience mais d’une expérience de pensée. Un chat est enfermé dans une boîte avec un dispositif qui diffuse un gaz mortel dès que la désintégration d’un atome d’un corps radioactif est détectée.

Or, la désintégration d’un noyau radioactif est un processus purement quantique qui ne peut se décrire qu’en termes de probabilités. Si les probabilités indiquent qu’une désintégration a une chance sur deux d’avoir eu lieu au bout d’un temps donné, la mécanique quantique indique que, tant que l’observation n’est pas faite, l’atome est dans une superposition de deux états, intact et désintégré. L’état du chat, mort ou vivant, se retrouve ainsi lié à l’état désintégré ou intact de la particule, de sorte que le chat est également dans une superposition de deux états, mort et vivant. C’est en ouvrant la boîte que l’un des deux états devient réalité. L’observation provoque l’effondrement de la superposition des deux états possibles. Le chat est alors soit vivant, soit mort. L’expérience imaginée par Erwin Schrödinger permet de faire passer dans notre réalité un phénomène qui n’est sensé exister qu’à l’échelle des particules. Elle met également en exergue la problématique de la mesure ou de l’observation des phénomènes quantiques. A ce sujet, l’expérience des fentes de Young, ou interférences de Young est beaucoup plus spectaculaire.

Cette expérience consiste à faire interférer deux faisceaux de lumière issus d’une même source, en les faisant passer par deux petits trous percés dans un plan opaque. Sur un écran disposé en face des fentes de Young, un motif de diffraction peut-être observé ; Il s’agit d’une zone rayée de franges sombres et claires. Elle fut réalisée pour la première fois par Thomas Young en 1801 et lui permit de comprendre le comportement et la nature de la lumière. Mais c’est une des versions affinées qui nous intéresse. La source de lumière est remplacée par un laser capable d’émettre un photon à la fois. Ceux-ci sont détectés un par un sur l’écran placé après les fentes de Young : on observe alors que ces impacts forment petit à petit la zone d’interférence. Ce phénomène n’est possible que si le photon émis prend un état superposé lors du franchissement de la plaque : comme si le photon passait par les deux fentes en même temps. D’où cette superposition d’état. Le plus intéressant vient après. Lorsque l’on observe le chemin emprunté par les photons, on constate alors qu’ils passent par l’une ou l’autre des fentes mais les franges d’interférences disparaissent de l’écran. L’observation détruit la figure d’interférence comme si la superposition d’état s’effondrait.

Je sais désormais ce que dirait ma grand-mère : « assieds toi, là, mon gamin, respire un bon coup, je vais aller la chercher moi la salade, et après je te fais une bonne soupe. Ça te fera du bien, hein ! ».

Le projet d’exploration de la notion de paysage s’inspire de ces deux expériences. Le paysage face à moi disparaît lorsque je m’en rapproche. Y-a-t-il effondrement de la notion de paysage lorsque j’essaie de l’observer de près au même titre que la figure d’interférence de Young ? Quand nous tournons le dos au paysage, sommes nous face à une superposition d’état paysage/non-paysage ? L’objectif n’est pas de prouver que le paysage répond à des lois quantiques, loin de moi cette idée, mais d’explorer ce que cette notion est devenue dans notre société depuis son apparition en occident à la Renaissance.

Le paysage est avant tout une mise à distance. Il impose un écart à son observateur et induit une fragmentation de la « Nature » qui ne peut être saisie dans son ensemble. Inventer la notion de paysage, c’est éloigner le regardeur de cette Nature : ne plus être dedans, ne plus en faire partie. A la Renaissance, la découverte de la perspective par Filippo Brunelleschi (1377-1446) cherchait à nous rapprocher de la nature des choses en nous apportant la compréhension d’un système permettant de décrire le réel alors qu’en même temps un éloignement s’opérait.

Le paysage est un territoire fini, balisé, réglementé. Il s’agit d’un fragment. La Nature est désormais restreinte, contenue, figée. L’invention du paysage était une condamnation annoncée. A travers le paysage, notre société a relégué la Nature au rang de tableau, de peinture, de photographie.

L’idée de Nature est devenue plus que jamais un fantasme.